Jean-Baptiste FONLUPT

Récital Piano au Musée Würth - Alain Cochard - ConcertClassic

« Côté piano solo, on a aussi pu profiter d’un récital de Jean-Baptiste Fonlupt – et avec quel bonheur ! Chopin et Liszt : programme romantique on ne peut plus traditionnel. En apparence en tout cas, car Fonlupt fait partie de ces interprètes qui renouvellent de font en comble la perception des partitions les plus rabâchées. Rien chez lui d’un ego se déversant sans vergogne mais, tout au contraire, une sensibilité, une intelligence qui entrent en sympathie avec la musique dans ce qu’elle comporte de plus secret. D’emblée l’interprète plonge aux tréfonds du Nocturne op. 55 n° 2 : l’option déroute quelques instants, mais captive vite par sa manière de faire vivre et ressortir chaque ligne du texte : tout fait sens, tout est musique ... Pas moins séduisante, la fameuse Barcarolle, prise dans un tempo allant, est emplie, si l’on peut se permettre l’oxymore, d’un lumineux mystère.

Pour son édition 2019, « Piano au Musée Würth » a choisi le thème de « l’humour en musique ». Chopin et Liszt ne sont pas, convenons-en, le meilleur terrain pour traiter la chose ; Fonlupt a contourné l’obstacle en inscrivant la Polonaise en sol dièse mineur op. posth. (1822) de Frédéric Pichon, anagramme que Chopin, jeune adolescent farceur, aimait utiliser à l’époque où il passait ses vacances d’été à Szafarnia. Elégance, couleurs variées, trilles scintillants : point essentielle dans la production du Polonais, la pièce se mue en un bijou de poésie et de chic sous des doigts inspirés. Ils enlèvent ensuite un bouquet de quatre mazurkas (op. 30 n° 11 / Op. 6 n° 2 / Opus 24 n° 2 / Op. 63 n° 1) avec autant de caractère que de saveur rythmique (puisse Fonlupt s’atteler un jour à une intégrale des Mazurkas en studio !), avant que l’Andante spianato et Grande Polonaise brillante ne se déploie, racé et sans tape-à-l’œil.

Place à Liszt en seconde partie, compositeur particulièrement cher à l’artiste français. Le piano lisztien est orchestre ; celui de Fonlupt aussi comme le démontre une Chapelle de Guillaume Tell au souffle large. Suit la non moins courue Vallée d’Obermann que le pianiste réinvente et façonne, assumant toute la subjectivité de cette vaste méditation avec plénitude sonore et variété des coloris. L’absence de toute rupture dans le déroulement de la musique frappe autant dans la Deuxième Ballade en si mineur, d’un élan narratif et d’une noblesse exemplaires. Public aux anges, gratifié en bis du Prélude op. 28 n° 13 de Chopin, lyrique et décanté : parfaite conclusion à une grande soirée de piano. »

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