Jean-Baptiste FONLUPT

CD Ballets - Sophie Bourdais, Télérama (ffff)

Jean-Baptiste Fonlupt impressionne par son sens de la dramaturgie. Autour des ballets russes, le pianiste nous transporte de valses rêveuses en festivités joyeuses.

Promenons-nous chez les modernes, observons-les s'emparer du ballet pour mieux le célébrer... ou le subvertir : telle est l'invitation de Jean-Baptiste Fonlupt, qui tourne pour l'occasion autour des ballets russes, en commençant par le mythique trio Ravel-Stravinsky-Diaghilev. Et en retenant des oeuvres pensées pour les capacités et la palette du clavier, avant ou après leurs versions orchestrales.

Prenons Trois Mouvements de Petrouchka, qu'Igor Stravinsky (1882-1971) a tiré de son ballet à la demande d'Arthur Rubinstein : on y entre tout de suite dans le vif du sujet, avec une Danse russe explosive et virevoltante, d'une ampleur et d'une ardeur quasi symphoniques. Le pianiste en découpe les lignes au scalpel, tout en valorisant les détails, les ruptures rythmiques et les variations atmosphériques. Le deuxième volet, Chez Petrouchka, mêle intimisme et ironie. Le troisième déroule les turbulentes festivités de La Semaine grasse en donnant à l'interprète l'occasion d'exposer, sans l'étaler, son impressionnante technicité.


Composée d'abord pour le piano, La Valse, de Maurice Ravel (1875-1937), monte des tréfonds du clavier, s'organise, s'éclaircit puis s'enflamme avant de s'effriter en un vertigineux glissando, se recomposant ensuite sur des bases chaotiques jusqu'à une conclusion ambiguë : apocalypse ou apothéose? Jean-Baptiste Fonlupt a beau se prononcer pour la seconde hypothèse, un doute — stimulant — demeure, qui réapparaîtra sous une autre forme, en fin d'album, avec les Valses nobles et sentimentales, du même Ravel : sont-ce vraiment des valses, ces pièces rêveuses aux caractères divers? Peu importe la réponse, on en savoure les gourmandises harmoniques comme les atermoiements rythmiques.


Placés juste avant, les séduisants extraits de Roméo et Juliette: dix pièces pour piano, de Sergueï Prokofiev (1891-1953), recèlent moins d'ambivalence et plus de drame. Le pianiste s'y fait dramaturge pour dépeindre la délicatesse primesautière et mélancolique de Juliette, petite fille, la mâle et juvénile assurance de Mercutio, la fièvre dramatique de Montaigus et Capulets, avec sa danse des chevaliers creusée avec souplesse dans le fond du clavier. Il fournit enfin, dans Roméo et Juliette avant la séparation, un dénouement d'une douceur aussi trompeuse que bouleversante.

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