Jean-Baptiste FONLUPT

CD Correspondances - Jean-Pierre Robert, On-Mag

La Fantaisie op.17 que Robert Schumann compose en 1835-1836 et qu'il dédie à Liszt, apparaît comme une sonate qui ne dit pas son nom. Jean-Baptiste Fonlupt propose une exécution de haut 

vol. Le premier mouvement ''Durchaus phantastisch und leidenschaftlich vorzutragen'' (A jouer d'un bout à l'autre d'une manière fantasque et passionnée) est pris à bras le corps dès les premières mesures et avec fougue, établissant une tension fébrile. Le deuxième mouvement ''Mässig. Durchhaus energisch'' (Modéré, avec une constante énergie) n'est pas moins enfiévré, ivresse sonore qu'un passage médian tempère un moment, avant une reprise et une coda triomphales. Le dernier mouvement, ''Langsam gertragen. Durchweg leise zu halten'' (Lent et soutenu, dans une sonorité constamment douce), est un hymne à la paix en forme de nocturne au cantabile digne d'un Lied. Le pianiste français en conçoit avec ferveur les géniales modulations, non sans creuser le contraste lors du basculement dans un fougueux crescendo, avant que la rêverie tendrement expressive reprenne son cours. Une magistrale exécution qui ne cède pas aux sirènes de la démonstration pianistique. 

Il en va de même de la Sonate en si mineur qu'en retour Liszt dédiera en 1853 à Schumann. La présente exécution en déjoue les difficultés. Le premier Allegro energico est fougueux, presque déchaîné sous les doigts du pianiste. Puis, comme chez Schumann et sa Fantaisie op.17, le cheminement se partage entre ivresse et rêverie, avec volées de crescendos martelés débouchant sur une forme de douceur élégiaque et pleine de tendresse, de nostalgie aussi. Car Liszt est un diseur. L’interprète doit lui emboîter le pas sans rajouter et appliquer un rubato excessif. Fonlupt ne sacrifie pas à ce péché mignon de bien de ses collègues. Sa vision est presque schumannienne, comme dans les passages d'écriture détachée du milieu de la sonate, et avec cet esprit de fantastique qui s'empare de l'entier clavier et croît en dynamique. S'il faut de l'audace pour mener à bien cette sonate, la solide technique de Jean-Baptiste Fonlupt, son sens de la narration, le maniement d'un large nuancier, un jeu fluide et toujours lisible le lui permettent. Comme de donner du sens à un couplage programmatique où chacune de ces oeuvres s'enrichit à la lumière de l'autre. La captation live en concert dans la salle de moyen format du théâtre Dullin de Chambéry ménage immédiateté de l'instrument, un piano Yamaha, et suffisante impression d'espace.



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