Doigts gelés au Festival Piano aux Jacobins, mais cœurs brûlants par la musique.
Quand la musique affole le thermomètre
La chronique d'Olivier Bellamy
Par Olivier Bellamy, 04-10-2025, Le Point
« Cette année, l'automne ne s'est pas fait attendre, quoiqu'on prétende qu'il n'y ait plus de saison. Toulouse a sorti son cache-nez, sans décourager le public fidèle du 46e Festival Piano aux Jacobins. Le lieu est une merveille. En plein cœur de la Ville rose, le Couvent des Jacobins abrite les reliques de saint Thomas d'Aquin.
On traverse une église à la hauteur impressionnante et à la légèreté inouïe qui a ému Claudel. Attenant à la nef, le cloître adoucit et humanise ce chef-d'œuvre d'art gothique. Durant tout le mois de septembre, les mélomanes empruntent la galerie et s'installent dans la salle capitulaire où trône le piano, débordant dans le jardin.
Après Fazil Say, Vanessa Wagner ou Nelson Goerner, c'est au tour de Jean-Baptiste Fonlupt d'affronter le jugement des connaisseurs et la bienveillance inquiète des curieux. Cet artiste discret comme un trappiste et massif comme un dominicain possède un son de cathédrale. Pour un peu, sa Chaconne de Bach-Busoni ferait trembler les briques.
De variation en variation, son jeu alterne entre la majesté de l'orgue et la fragilité du clavicorde. N'oubliant jamais que ce monument abrite le tombeau de la première femme du compositeur. Dans les Préludes de Rachmaninov, les cloches de la cathédrale Sainte-Sophie de Novgorod semblent résonner dans le silence des steppes.
Le pianiste peint l'opus 23 avec intériorité et ferveur. La couleur prend vie sans dureté, avec une hauteur de vue propre à cette musique. Passion, pudeur et dignité habitent chaque tableau sans aucun sacrifice à la vulgarité pianistique. Comme les Préludes de Chopin, ceux de Rachmaninov semblent mystérieusement reliés.
L'interprète est plus à l'écoute de ces secrets qu'emporté par la démonstration tapageuse. En plus d'une connaissance intime de ce répertoire, il lui apporte une finesse impressionniste qui éclaire la musique d'une lueur nouvelle. Après l'entracte, la Sonate n° 3 de Brahms nous ramène à la solidité de la musique allemande. Jean-Baptiste Fonlupt explore ce chef-d'œuvre du romantisme avec le grand calme intérieur des âmes qui voient loin et viennent des profondeurs. »